Comment les Verts ont disparu d'une campagne pourtant marquée par l'écologie

Publié le par Yannick VILLARDIER

Actualité | Débats & Opinions
Comment les Verts ont disparu d'une campagne pourtant marquée par l'écologie
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Publié le 05 avril 2007

L'analyse de Rodolphe Geisler, journaliste au service politique du Figaro

C'est ce que l'on pourrait appeler « le paradoxe vert ». Jamais on n'aura autant parlé écologie en France que durant cette campagne présidentielle, mais, jamais aussi, le parti écologiste n'aura été, à moins de trois semaines d'un premier tour, si bas dans les sondages depuis la candidature de René Dumont en 1974. Dominique Voynet, qui tiendra ce soir, salle de la Mutualité à Paris, son troisième « grand » meeting national, est en effet créditée, selon les enquêtes, entre 0,5 et 1,5 % d'intentions de vote, quand Noël Mamère, en 2002, caracolait à la même période autour de 7 % et réalisera finalement 5,25 % des suffrages. Si les sondages ne se trompent pas, la pilule est d'autant plus amère à avaler pour les militants Verts que Nicolas Hulot était crédité, avant qu'il ne se retire de la course à l'Élysée fin janvier, de 11 % d'intentions de vote. Comment, alors, expliquer un tel décalage entre la candidate officielle des écologistes et les Français ?

En interne, la question fait rage. Certains cadres écolos, comme Noël Mamère, pensent qu'elle n'aurait pas dû signer le « pacte écologique » de Nicolas Hulot. Selon le député-maire de Bègles, cette signature « même avec les meilleures intentions du monde, nous a fait très mal parce qu'aujourd'hui tout le monde se dit : les partis politiques ont signé le»pacte écologique*, il n'y a plus besoin des Verts ». Il est vrai que, la semaine dernière encore, Hulot s'est fendu d'une piqûre de rappel et a à nouveau rencontré les principaux candidats à l'élection présidentielle en présence de représentants de grandes associations environnementales. Le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, par exemple, lui a promis, en cas de victoire, « un Grenelle de l'environnement ».

Ancien secrétaire national des Verts, Jean-Luc Bennahmias ne partage pas l'avis de Mamère. Pour lui, au contraire, Voynet « aurait dû surfer sur l'effet Hulot ». Mais voilà ! Si Hulot, pour n'avoir jamais été officiellement candidat, n'a jamais eu à répondre sur les autres grandes questions de la campagne (sécurité, immigration, emploi, etc.), Voynet, elle, comme candidate a dû le faire. Or, pour beaucoup de Français qui s'étaient montrés sensibles au discours du présentateur d'Ushuaïa, Voynet s'est trop éloignée des fondamentaux écologistes. Et son discours apparaît comme inaudible. Dans ses meetings, il est en effet peu question d'écologie. Elle se plaît, par exemple, à « taper » sur le candidat de la droite en moyenne trente minutes pour des discours types de trois quarts d'heure. Ou encore à défendre les langues régionales ! Mais là, disent les mauvaises langues, c'était pour obtenir, au moment de la course aux 500 parrainages, des signatures de maires corses, basques, ou
  encore bretons...

Bref, la candidate des Verts parle de beaucoup de choses, mais assez peu d'écologie. Or, comme le souligne encore Bennahmias, « sur le terrain du social, nous serons toujours derrière Olivier Besancenot ou même Ségolène Royal ! » Du coup, auprès de l'opinion publique, la campagne de Voynet ne prend pas. Oh, certes, le courage de la candidate n'est pas à remettre en cause ! Voynet laboure quotidiennement le terrain et multiplie les micro-déplacements. Mais elle n'attire plus le curieux. La faute, aussi, peut-être aux moyens. Contrairement à Noël Mamère en 2002, elle table sur un score inférieur à 5 %. Ayant obtenu ses 500 signatures, elle sait qu'elle sera remboursée à hauteur de 800 000 euros. Mais pour le reste... Du coup, le parti la joue économe. Quand Mamère disposait d'un budget de plus de 4 millions d'euros, elle ne dispose guère plus d'un gros million. Quand Mamère pouvait s'appuyer sur une équipe de campagne de 60 personnes, elle ne dispose que d'une équipe de huit pe
 rmanents.

Peut-elle rebondir d'ici au 22 avril ? Tout au plus insuffler en sa faveur une nouvelle dynamique ? Difficile d'y croire. En interne, confie un cadre, « plus personne n'a intérêt à faire sa campagne ». Les « petits » élus municipaux - ils sont majoritaires sur les 2 200 élus que compte le parti pour 8 000 adhérents ! - n'ont pas envie de se fâcher avec le grand frère socialiste. « Ils pensent à leurs sièges », dit-on. Du coup, à défaut de soutenir ouvertement Voynet au premier tour - ils sont déjà dans l'hypothèse d'un second tour où Ségolène Royal pourrait être présente -, ils font les morts, tandis que le militant de base est démobilisé. De même que les « grands » élus Verts qui restent étonnamment absents. « Elle rêve d'un portefeuille ministériel et s'est fourvoyée pour ça avec le PS », disent certains, en se voyant déjà ministre à sa place en cas de nouvelle « majorité plurielle ».

La gauche du parti, à l'instar de Francine Bavay, vice-présidente du conseil régional d'Île-de-France, fait moins dans la dentelle et appelle à voter... José Bové ! Mais surtout, contrairement à Mamère en 2002, Voynet doit faire face au dit « vote utile ». Si l'élu de la Gironde avait réussi à ramener à lui une partie de l'électorat « volatile » de gauche, l'affaire semble plus délicate pour elle. Le souvenir du 21 avril est présent dans l'esprit de beaucoup d'électeurs. Voynet est également victime, malgré elle, de l'image même du parti, perpétuellement empêtré dans d'interminables querelles pichrocolines. Peut-on en conclure, si elle réalise un score inférieur à 2 %, à la fin des Verts ? Mamère se dit « inquiet ». Pour lui, « il y aura un jour d'après pour les Verts ». Pour Bennahmias, « si c'est Sarko, ça ne changera pas grand-chose, si c'est Royal, ça bougera, si c'est Bayrou, ça bougera encore plus »...
 
 
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